Panorama de presse : 2007
Les ambitions de l'École d'économie de Paris
Le Figaro économie | 23-02-2007 | Marie VISOT | p. 20En complément :
La future « vitrine de la recherche économique française » accueille déjà 250 chercheurs et 400 étudiants. Elle veut replacer la France dans la compétition mondiale.
L'Ecole d'économie de Paris a été inaugurée hier en grande pompe sur le campus Jourdan, ce site en préfabriqué du XIVe arrondissement de Paris, qui fut construit dans les années 1950 pour accueillir les jeunes filles de l'École normale supérieure. Toute la journée, la future « vitrine de la recherche économique française » a vu défiler autour de « tables rondes » des chercheurs du monde entier, débattant de sujets aussi variés que le financement de l'aide internationale, le capitalisme financier ou le contrat de travail unique.
« Montrer que la France reste une terre d'excellence, qu'elle est capable de récompenser le mérite, de mettre en oeuvre des projets ambitieux, voilà ce que nous prouve la création de l'Ecole d'économie de Paris », a souligné Dominique de Villepin, lors de l'inauguration, précisant que la France compte, avec le centre de Toulouse, « deux grands pôles français dans le domaine de l'économie ».
Lancée en 2005, cette école sous statut de fondation a pour but de redorer le blason de la recherche tricolore sur la scène internationale et de constituer une référence face aux mastodontes anglo-saxons, comme la London School of Economics (LSE) ou le Massachusetts Institute of Technology (MIT). La France « doit peser davantage dans les grands débats économiques, ainsi que dans les grandes institutions de gouvernance mondiale », estime le premier ministre. En regroupant plusieurs établissements, les fondateurs de l'EEP espèrent faire apparaître leur recherche dans le haut des classements mondiaux, dans lesquels elle ne brille guère. Ils veulent aussi se donner les moyens de faire revenir en France les meilleurs chercheurs expatriés.
La fondation École d'Économie de Paris - ou Paris School of Economics (PSE) comme l'appellent déjà les chercheurs - s'appuie sur plusieurs centres parisiens de recherche et de formation : L'École normale supérieure, l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), l'École des hautes études en sciences sociales, le CNRS, les Ponts et Chaussées et l'INRA. Elle est dirigée par Thomas Piketty, économiste de 35 ans, dont le parcours est irréprochable : normalien, il possède un doctorat à l'EHESS et à la London School of Economics - la fameuse ! -, a obtenu un poste de professeur au MIT en 1993, le prix du meilleur jeune économiste en 2002 et une nomination à la tête du département de sciences sociales à l'ENS en 2004. Et ses travaux sont suivis par la gauche, dont on le sent proche, comme par la droite, où il compte des amis, à l'Elysée et à Matignon. Pour lui, le cahier des charges de l'EEP est simple: « Nous voulons montrer que la recherche fondamentale en économie n'est pas incompatible avec les questions que l'on se pose dans le monde réel. » L'Ecole rassemble déjà plus de 250 chercheurs et 400 étudiants en Master et en doctorat.
Critiques franco-françaises
Le jeune directeur balaie d'un revers de main les critiques qui n'ont pas manqué de surgir du monde de la recherche universitaire lors de l'annonce de la création de la PSE. « Si on ne fait rien, dans cinq ou dix ans, les seuls chercheurs qui viendront à Paris sont ceux qui auront une petite copine en France », plaisante Thomas Piketty. « Au-delà des questions de salaires, en créant une structure de droit privé , nous allons au moins pouvoir alléger les tracasseries administratives qui bloquent la recherche française. Nous ne pouvions pas attendre la réforme de l'Université car la situation n'est pas mûre. Le statut de fondation que nous avons choisi nous permet aussi de disposer d'un capital pérenne. » Tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Michel Lussault, vice-président de la Conférence des présidents d'université, voit mal « comment on va pouvoir boulversifier la recherche en économie » avec cette école. « Comparer l'EEP avec LSE, on est en plein fantasme ! Au mieux, on atteindra la taille d'un tout petit département de Harvard. » Même dans le monde universitaire, la nouveauté dérange..