Le Monde
7 septembre
2001, page 5
L'économiste
Thomas Piketty rouvre le débat sur les baisses d'impôts
PROFIL
UN
SCRUTATEUR DES INÉGALITÉS
MALINGRE
VIRGINIE
Les
inégalités, Thomas Piketty s'y est toujours intéressé. Pour ce jeune économiste
de trente ans, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences
sociales (EHESS), cela relève de " l'évidence ". A l'écouter raconter
son parcours, on comprend mieux pourquoi. " J'ai, souvent, dans ma vie,
été confronté à des mondes, et à des pouvoirs d'achat, très différents ",
commence-t-il. Dans son enfance, d'abord. Ses parents, issus d'un milieu très
aisé, militent à LO et, à dix-neuf ans, quittent tout pour aller " élever
des chèvres dans l'Aude ". On est au début des années 1970. Mai 68 est
passé par là. La famille Piketty adopte un mode de vie extrêmement simple, loin
de celui des grands parents parisiens. " Quand je prenais le train pour
aller à Paris, j'étais toujours sidéré ", se rappelle Thomas Piketty. Avec
la fin de la décennie, la désillusion est au rendez-vous. On quitte l'Aude. On
rencontre le chômage, les boulots difficiles...
Quelques
années plus tard - Thomas Piketty est devenu normalien et a fait une thèse à
l'EHESS sur la " théorie de la redistribution des richesses " -, il
découvre d'autres contrastes : au début des années 1990, il se partage entre
Moscou, où sa femme, aujourd'hui chercheur au CNRS en histoire soviétique,
travaille à sa thèse, et Boston, où il donne des cours au prestigieux MIT entre
1993 et 1995.
De retour à
Paris, il obtient un poste de chercheur au CNRS, qu'il occupera jusqu'en 2000.
Thomas Piketty fait parler de lui en publiant, en novembre 1997, une "
note " pour la Fondation Saint-Simon où il plaide pour une baisse des
charges sur les bas salaires. Entre 1995 et 1997, il participe - sans être
membre du parti - à la commission économique du PS, où il planche notamment sur
l'idée d'un crédit d'impôt pour les salariés modestes. Avec la victoire de la
gauche en 1997, il cesse sa collaboration. " Sur le fond, je n'étais pas
convaincu par les 35 heures. C'était peut-être la seule façon de souder la
majorité plurielle. Mais bon... ", se rappelle-t-il.
Très vite,
il revient à ses premières amours : les inégalités. A l'automne 1998, il publie,
dans un document du ministère de l'économie, une étude sur les effets des
variations du taux marginal de l'impôt sur le revenu, qui seraient, selon lui,
quasiment inexistants. Ses conclusions déplaisent fortement à Bercy, qui
tentera d'ailleurs de ne pas les divulguer mais lui assurent une certaine
notoriété. Il rejoint, en 1999, le Conseil d'analyse économique, pour lequel il
publie un rapport sur les inégalités (Le Monde du 16 juin). Encore et toujours.
VIRGINIE
MALINGRE