Le Monde

4 février 2002, page 15

 

HORIZONS - EGALITE

DOSSIER SPECIAL - LA DÉMOCRATIE EN DÉBAT

Pour l'impôt progressif

 

PIKETTY THOMAS

 

COMMENT expliquer que l'impôt progressif soit remis en cause aujourd'hui, de façon lente mais régulière par les gouvernements sociaux- démocrates, et de façon radicale par les gouvernements libéraux ?

 

La première explication est évidemment liée à la fâcheuse tendance souvent observée dans les grands retournements politiques et consistant finalement à " jeter le bébé avec l'eau du bain " : l'interventionnisme en général a mauvaise presse en cette époque de capitalisme triomphant, et peu importe que certaines institutions redistributives aient marché et d'autres non.

 

Ce climat général a été renforcé par la concurrence fiscale sauvage (et largement illusoire) que se livrent les pays développés (y compris au sein de l'Union européenne) pour attirer les facteurs de production les plus mobiles (capital et travail très qualifié).

 

Ce dernier facteur est sans nul doute très important. Il est possible cependant qu'il soit lui-même la conséquence de facteurs plus profonds.

 

Si les différents pays concernés percevaient véritablement l'impôt progressif comme quelque chose d'essentiel pour l'équilibre de leur société, alors je pense qu'ils parviendraient sans trop de mal à se coordonner et à trouver des solutions coopératives pour éviter cette escalade de la violence - cela vaut notamment pour les pays de l'UE.

 

THOMAS PIKETTY

 

Thomas Piketty est économiste, directeur d'études à l'ehess et chercheur à l'école normale supérieure au laboratoire cepremap. il est spécialiste des questions d'inégalité et de redistribution de la richesse.