Jeudi 17 septembre 2009
L'Europe est une jungle financière. D'abord pour des raisons historiques : son territoire est morcelé en plusieurs dizaines de petits Etats, que les acteurs financiers et les détenteurs de patrimoines ont beau jeu de mettre en concurrence les uns avec les autres. Mais aussi parce les dirigeants de l'Union Européenne n'ont fait qu'exacerber cette course au dumping fiscal et réglementaire.
Il faut cesser de faire croire que la situation changera avec des déclarations de principes, quelques vagues recommandations, des listes noires et des listes grises... Tout ce baratin finira dans l'écoeurement et les bonbonnes de gaz.
Une proposition concrète : développer des indicateurs quantitatifs simples et vérifiables permettant aux citoyens de savoir si leurs dirigeants sont véritablement passés à l'action. Par exemple, les actifs financiers gérés à Jersey et Guernesey dépassent actuellement ceux de l'Italie, pourtant 400 fois plus peuplée et disposant du même revenu national par habitant. Si l'on ajoute le Liechtenstein, Monaco, la Suisse et le Luxembourg, on avoisine le total des actifs financiers des grands pays de la zone euro! Rien ne peut justifier une géographie financière aussi délirante, sans rapport avec la géographie économique et humaine réelle. Sauf bien sûr le fait que ces zones de non droit permettent de contourner les obligations fiscales et réglementaires. Tant qu'une telle situation perdurera, on pourra être certain que rien n'a vraiment changé, quels que soient les discours.
Thomas Piketty est directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'Ecole d'économie de Paris.