Mardi 26 mai 2009
Depuis plusieurs années, mes recherches se concentrent sur les patrimoines financiers et immobiliers, les mouvements longs de leur répartition, mais aussi de leurs prix et de leurs rendements. Avec la conviction que les inégalités ainsi générées remettent profondément en cause la logique méritocratique associée aux inégalités salariales, et joueront un rôle central au XXIe siècle. La crise financière mondiale me conforte dans cette voie et m'encourage à accélérer ces recherches.
Mais elle m'a aussi fait dévier de ma trajectoire de recherche sur plusieurs points. Elle m'a d'abord conduit à prendre conscience de l'ampleur invraisemblable atteinte par la globalisation financière. Jamais auparavant je n'avais été amené à examiner de près un bilan bancaire ou une balance des paiements, et à constater l'extrême fragilité du système financier international.
Elle a également achevé de me convaincre que la taxation confiscatoire des très hauts revenus (par exemple, taux marginal de 80 % au-delà de 1 million d'euros de revenu annuel) était la seule réaction efficace aux rémunérations indécentes que certains cadres dirigeants et traders se sont servi à eux-mêmes. Sur ce point comme sur d'autres, trop d'économistes ont pendant longtemps récité des vérités toutes faites.
La crise a au moins le mérite de nous rappeler une vérité essentielle : l'économie n'est pas une matière facultative que l'on pourrait déléguer à d'autres.
Thomas Piketty est directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'Ecole d'économie de Paris.