Les chercheurs français partis à l'étranger ne manquent pas. Certains envisagent de revenir, d'autres pas. Témoignages.
- Esther Duflo, 34 ans, professeur au MIT de Boston.
« Je me suis retrouvée aux États-Unis un peu par hasard, en pensant rentrer rapidement », raconte Esther Duflo. Ayant commencé une thèse d'économie appliquée en France, elle a l'impression « que personne ne pouvait vraiment m'encadrer pour mon projet ». En 1994, elle postule au Massachusetts Institute of Technology (MIT). « J'y ai trouvé un enthousiasme et une énergie comme je n'avais jamais connus. Le niveau des profs était impressionnant, la motivation des élèves aussi. J'y ai trouvé ma vocation intellectuelle. » 2002, son diplôme en poche et une chaire de professeur assistant, Esther Duflo devient la chouchoute des Américains. Yale, Princeton... tout le monde se l'arrache. Elle travaille sur des sujets porteurs : les pays en développement, l'évaluation des programmes de lutte contre la pauvreté. « J'étais au bon endroit au bon moment », dit-elle modestement. Elle décide de rester à Boston, où le MIT lui offre une chaire permanente et surtout l'aide financièrement à ouvrir son laboratoire, le Poverty Action Lab. « Ils ont fait confiance à mes idées, qui n'étaient alors que des plans sur la comète », raconte-t-elle. La chercheuse est en ce moment en France, pour six mois sabbatiques : elle veut créer le plus de liens possibles avec l'École d'économie de Paris, voire y ouvrir une succursale du Poverty Action Lab. « Mais après, je repars m'occuper de mon labo », indique-t-elle. Qu'est-ce qui la ferait rentrer ? « Ou plutôt, qu'est-ce qui m'aurait empêché de partir ? », rétorque-t-elle sans répondre, manière de dire qu'elle n'envisage pas son retour... « Peut-être que si une structure comme l'EEP avait existé, j'aurais réfléchi avant de quitter la France. Mais il y a quinze ans, l'intérêt pour les études empiriques n'était pas celui d'aujourd'hui », regrette-t-elle.
- Thomas Philippon, 32 ans, professeur de finance à New York .
Polytechnicien, son master d'économie de l'École des hautes études en sciences sociales en poche, Thomas Philippon est parti lui aussi au MIT faire sa thèse. Une fois terminé son PHD, en 2003, il est parti enseigner la finance à la Stern School of Business de l'Université de New York (NYU). Serait-il prêt à revenir en France ? « Je ne suis pas parti aux États-Unis parce que je voulais quitter la France ou gagner plus, mais parce que c'était le meilleur endroit pour poursuivre mes études, puis mes recherches », explique-t-il. Pour lui, « ce que fait Paris School of Economics, c'est très bien et ça va marcher ». Deux aspects du projet lui paraissent importants : la dynamique de recherche et l'autonomie. « Il n'y a rien de pire pour un chercheur que de se trouver coincé dans un endroit où il n'y a plus de financement », rappelle-t-il. Le principe de la fondation devrait permettre de financer des projets sélectionnés par un comité scientifique sans dépendre d'une gouvernance incertaine ou du budget de l'État. « Je suis sûr que je vais revenir, le plus tôt possible, même si le salaire n'est pas le même qu'à New York », conclut-il, en précisant, que pour des raisons familiales, il n'est pas encore arrêté sur la date, et sans oublier qu'« il n'y a pas que Paris. Il y a aussi Toulouse qui attire des chercheurs du monde entier ».