A deux jours d'intervalle, quatre économistes de renom
plutôt proches des idées de la gauche, des plus keynésiens aux plus
libéraux, viennent de donner une douche froide à François Hollande et à
ceux qui, au PS, proposent comme alternative à la réforme des retraites
la mise à contribution des revenus du capital.
Le premier article, paru dans « Le Monde » mercredi, est signé de Thomas Piketty, un jeune économiste connu pour
ses travaux sur les inégalités et la redistribution par l'impôt. A la
question « les riches peuvent-ils payer les retraites ? », l'auteur répond
par la négative : « Les riches sont (trop)riches,
mais la masse des retraites à financer, compte tenu de l'allongement de
l'espérance de vie, est encore plus gigantesque », écrit Piketty. Ainsi, porter à 100 % le taux
marginal supérieur de l'impôt sur le revenu, ce qui reviendrait à «
instituer un revenu légal maximal de 65.000 euros par personne », ne
rapporterait que 7 milliards d'euros, a-t-il calculé. Soit à peine plus
de 0,4 point de PIB, à comparer à un besoin de financement estimé à 4 points de PIB à l'horizon 2040. « Dans la
réforme proposée, l'allongement de la durée de cotisation couvre à peine
35 % du déficit à l'horizon 2020, rappelle Piketty, ce qui
signifie que 65 % de l'effort sera nécessairement pris en charge par une
hausse de prélèvements. » La conclusion est sans appel : « Il est
malhonnête de laisser croire que la réforme proposée fait tout peser sur
l'allongement de la durée de cotisation et qu'un gouvernement de gauche
parviendrait à un équilibre radicalement différent. »
« La tactique d'évitement »
Ce débat sur la répartition optimale des efforts est complété par un
papier publié, hier, dans « Libération » par trois autres économistes :
Elie Cohen (CNRS), Jean-Paul Fitoussi (OFCE) et Jean Pisani-Ferry (ancien
conseiller de Dominique Strauss-Kahn à Bercy). Intitulé « L'illusoire
taxation du capital », il estime lui aussi que « le remède n'est pas à la
hauteur du problème » et ajoute que « l'accroissement des cotisations
patronales [par exemple, en transférant les charges sur la valeur
ajoutée] ou la taxation des profits des entreprises, surtout en un
contexte de chômage de masse et de concurrence fiscale en Europe, se
feront, à terme, de facto, au détriment des salariés ». Exactement
l'argument utilisé par le gouvernement pour écarter cette piste, au nom
du pari sur l'amélioration de l'emploi. Pour ces auteurs, « la
proposition de taxer le capital (...) semble avoir tous les traits de la
tactique d'évitement. Au lieu d'aider les Français à poser collectivement
les termes d'un choix intergénérationnel, et à dégager entre eux un
compromis préservant les intérêts très légitimes des vieux et des jeunes,
elle suggère qu'il suffirait, pour y échapper, d'aller puiser dans un
trésor sacré. Ce n'est pas rendre service au débat démocratique ». Il n'y
a pas de « cagnotte » pour financer les retraites.
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